Solla-Rose ou l'Amnésie Salvatrice, Tome 1 La Danse du Vide, de Malika Djinn : le roman d'apprentissage moderne au XXIe siècle






  Anouilh, provocateur, écrivait, dans son Antigone  : "C'est propre la tragédie. […] Et puis, surtout c'est reposant, la tragédie, parce qu'on sait qu'il n'y a plus d'espoir, le sale espoir ; qu'on est pris comme un rat, avec tout le ciel sur son dos."


  Avec ce tome 1, La danse du vide de Solla-Rose ou l'Amnésie salvatrice, Malika Djinn signe son premier roman d'apprentissage, quête de soi, Graal d'une vie, dans toute la tragédie des Temps Modernes, sur fond de récit d'anticipation et de culture underground. Elle annonce, comme dans une tragédie, la fin et la couleur, dès son prologue : 
"Bonne découverte des névroses d’un produit de la société moderne."


  Solla-Rose, une jeune adolescente, devient amnésique après une chute vertigineuse de plusieurs étages. Ramassée en mille morceaux par un inconnu, elle se retrouve chez Lilith, une Dame étrange, une sorcière-soignante, qui a la capacité de guérir son corps broyé mais pas son âme...


  C'est ainsi que le lecteur suivra le voyage de cette héroïne, Esméralda vagabonde, passionnée de danse de rue qui fréquentera aussi bien la jet-set au pays d'Éric 1 que les mondes alternatifs et artistiques du "peuple de la mer" ou du "peuple qui brûle". Dans cet imposant projet narratif, les sociétés parallèles se croisent, commercent et font l'amour avec une liberté totalement débridée, assumée. Rien n'est laissé au hasard dans cet univers imaginaire où les préoccupations les plus troublantes de toute une génération sont décryptées à vif et sans complaisance pour ce personnage principal de Solla-Rose, enquêtant sur sa propre identité et prête à toutes les expériences, si extrêmes ou si ambiguës soient-elles.


  Les épithètes homériques fusent, les dialogues cinglent, les descriptions des lieux futuristes nous saisissent par leur beauté étrangement poétique et les portraits de tous les individus que Solla-Rose rencontrent dans sa quête initiatique nous interpellent, créant ainsi un véritable remue-méninges qui fait le ménage dans notre ordre quotidien et nos codes sociaux conventionnels.


  Mais il y a aussi, en alternance, glissées régulièrement dans les chapitres de l'histoire principale, les notes d'un carnet de voyage si intime, si lucide, si loin de l'hypocrisie égocentrique ambiante, qui nous mettent en face d'une autre tragédie, celle que vit le je-narrateur en proie aux tortures de la boulimie.


  Oui, ce premier tome (dont nous attendons la suite avec impatience) est une gifle, un coup de bambou derrière les oreilles, une tragédie que nous dévorons, hébétés, bouleversés parfois horrifiés, tantôt avec Solla-Rose, tantôt avec la narratrice Malika, dont les comportements compulsifs ne font qu'empirer et qui écrit, après avoir volé un marchand en Inde : "Ça fait beurk dans ma tête malgré le miam dans ma bouche". 

 

  Cette conscience permanente et honnête de nos propres errances, de nos propres absences, de nos propres tourments, n'est-elle pas, en fin de compte, notre plus fabuleux pour contrer cette tragédie implacable et qui nous fait tendre vers un monde meilleur ?


  Un roman à lire absolument aux Éditions de La Mêsonetta, Collection Hikikomoris en sortie.



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